Situation actuelle du vin rosé sur le marché chinois
En 2012, la Chine a importé 1,3 milliard d’euros de vin dont 1 milliard d’euros de vin en bouteille et 300 millions pour les vins en vrac. Les exportations françaises de vin en Chine sont passées de 15,7 millions d’euros en 2005 à 547 millions en 2012. La France est le 1er exportateur de vin en bouteille en Chine (Source UBIFRANCE). Pour le rosé, la France et les États-Unis dans une moindre mesure, sont les premiers consommateurs au monde : ils consomment presque 50% de la production mondiale à eux deux. En même temps, les consommations du Royaume-Uni, de la Russie et de la Chine font leur apparition dans la tête du classement en 2010 et dépassent même celle de l’Espagne et de l’Italie en 2010, en retrait régulier. Évidemment les chinois ne sont pour l’instant pas de grands consommateurs de rosé. Est-ce que la tendance est en train de changer ? Alors que selon le CIVP, 2400 litres de rosé ont été exportés en Chine en 2006, désormais plus de 32 000 litres vont être exportés (chiffres douanes françaises, novembre 2012). Certes ces volumes font encore de la Chine un marché de niche pour les vins de Provence, mais le CIVP surveille de près cette croissance. Les chinois eux-mêmes commencent à produire du rosé, donc cela implique qu’ils ont déjà évalué le potentiel du rosé.
Disparités régionales du marché de vin en Chine
Bien que les distributeurs s’intéressent davantage aux villes secondaires, les principaux consommateurs de produits occidentaux se concentrent toujours majoritairement dans les métropoles de la zone côtière. Même si le vin reste un marché de cadeaux, la consommation personnelle et les connaisseurs augmentent très rapidement. Jusqu’à aujourd’hui, la consommation de vin était principalement hors du domicile et évènementielle. S'il est vrai que les 250 millions de consommateurs de la classe moyenne restent la cible privilégiée, il faut penser que les disparités de niveau de revenu en Chine sont considérables.
- Pékin et la Chine du Nord
Le consommateur à Pékin (北京) consacre traditionnellement une part plus importante de son budget aux boissons. De même, un deuxième groupe composé de villes comme Tianjin (天津), Shenyang (沈阳), Qingdao (青岛), Dalian (大连) et Harbin (哈尔滨) présente du potentiel.
- Chengdu et la Chine du Centre
Bien que la région du Sichuan (四川) possède une longue tradition liée aux boissons alcoolisées et plus particulièrement aux alcools de riz, les vins et spiritueux connaissent un succès grandissant grâce à l’ouverture de plusieurs hôtels haut-de gamme membres de chaînes internationales, l’arrivée de la grande distribution dédiée aux produits occidentaux (Carrefour, Auchan, Wal-Mart).
Le célèbre salon de Tangjiuhui, réunion de tout ce qui compte en boissons alcoolisées en Chine se tient traditionnellement en mars, à Chengdu (成都), capitale du Sichuan. Fait significatif : de quelques stands consacrés au vin en 2006, il y a aujourd'hui deux halls entiers sur les 8 qui exposent exclusivement du vin. La France y tient un pavillon français avec une soixantaine d'entreprises.
De même, un deuxième groupe composé de villes comme Chongqing (重庆), Wuhan (武汉) présente du potentiel.
- Shanghai et la Chine de l’Est
La Chine de l’Est avec Shanghai (上海) en son centre est connue pour être une grande consommatrice de Huang Jiu (黄酒, litt. alcool jaune). Le secteur du CHR est très développé à Shanghai, et la culture gastronomique française y est bien ancrée : on y dénombre 20 grands chefs français dans des restaurants de haut standing, 30 000 karaokés, 54 000 restaurants et 310 hôtels étoilés. La part de la consommation des vins importés dans la restauration est très importante à Shanghai. Ville de 25 millions d'habitants, Shanghai est aussi réputée pour son monde de la nuit, ses clubs et bars occidentaux, où la consommation d’alcools importés est prépondérante et qui constituent des points de vente incontournables pour les vins français. Carrefour affirme y réaliser plus de 50% de son chiffre d'affaires de produits importés. De grands vecteurs de consommation du vin à Shanghai sont le nombre élevé de touristes (environ 900 000 par jour), les quelques 100 000 résidents étrangers permanents et les 180 000 banquets de mariage annuels.
Une étude réalisée par UBIFRANCE Shanghai auprès de dix magasins a donné les résultats suivants
- Le vin rouge représente de 50% à 80% des produits proposés, le vin blanc de 10% à 30%, le rosé reste marginal.
- Les vins français, bien que concurrencés par les vins italiens, australiens, espagnols et chiliens restent leader sur leur marché. Les vins chinois restent peu demandés en boutique.
- Le moyen de gamme reste majoritaire : les bouteilles situées entre 120 et 240 yuans (soit de 15 à 30 euros) restent les plus recherchées.
De même, un deuxième groupe composé de villes comme Nankin (南京), Hangzhou (杭州) présente du potentiel.
- Canton et la Chine du Sud
La province du Guangdong (广东) absorbe la moitié des investissements hongkongais avec les concentrations des populations les plus aisées. Parmi les lieux dans lesquels la consommation de vin est la plus forte, il y a Shenzhen (深圳) et Canton (广州).
Partenaires du vin rosé sur le marché chinois
Pour introduire les vins étrangers sur le marché chinois, les différents importateurs jouent des rôles très importants. Les importateurs leaders possèdent des portefeuilles très larges (800 à 1000 références). Ils ont une couverture nationale avec des bureaux régionaux. Le CHR représente 50% à 60% de leurs ventes, la grande distribution 20% à 30%. La vente directe et en particulier Internet représentent une part croissante du chiffre d’affaires. ASC FINE WINES (groupe SUNTORY), le principal importateur/distributeur est le leader des ventes dans la restauration et l’hôtellerie haut de gamme. DT ASIA, qui réalise 60% de ses ventes en grande distribution, réoriente sa stratégie vers le CHR. AUSSINO et JOINTEK réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires sur le CHR et possèdent leur propre enseigne de magasins. JEBSEN et LINKS CONCEPT sont les principaux importateurs hongkongais disposant d’une filiale en Chine continentale. Il existe aussi des importateurs/grossistes de petite et moyenne taille. Ils ont une couverture régionale. Ils sont plus ouverts à de nouveaux fournisseurs. Il est nécessaire d’avoir recours à plusieurs importateurs régionaux en accordant à chacun des exclusivités régionales.
Pour encore mieux connaître la situation actuelle du vin rosé sur le marché chinois, j'ai recueilli les avis et les analyses de partenaires comme les syndicats interprofessionnels, les agences publiques et des importateurs chinois commercialisant le vin rosé. Ces acteurs sont importants pour nous aider à comprendre l'état actuel du marché et en prévoir la tendance.
Interview avec Monsieur Romain Diho conseil du CIVP (Syndicat interprofessionne des Vins de Provence)
Q. Combien de vignerons ou de caves coopératives provençaux ont déjà exporté du vin rosé en Chine? Quel volume pour les dernières années? Est-ce qu’il existe des chiffres officiels pour l’exportation du vin rosé français et du vin rosé provençal?
R. Les statistiques que nous avons viennent du service des douanes, et non pas des entreprises exportatrices. Nous connaissons donc les volumes exportés (ainsi que la valeur que cela représente), mais il nous est impossible de connaître le nombre exact d’entreprises.
Le CIVP est un organisme de communication/promotion. Nous ne nous occupons pas du tout de la partie commerciale de nos adhérents. De plus, les entreprises qui exportent en Chine changent chaque année : certaines exportent pour la première fois vers cette destination, d’autres arrêtent de le faire. Il est donc extrêmement difficile pour nous d’avoir une information à jour sur les entreprises exportatrices.
Pour ce qui est des entreprises exportatrices, nous avons créé sur notre site Internet dédié à ce marché, un onglet réservé aux entreprises. On peut trouver aussi bien les entreprises qui exportent que les entreprises qui cherchent à exporter. Attention, la liste n’est pas exhaustive. Il y a des entreprises dont les vins sont vendus en Chine et qui ne veulent pas s’inscrire sur notre site www.provencewines.com.cn
Q. Avant l’exportation, qu’avez-vous fait avec les vignerons concernant la prospection? Par exemple, des participations à des salons? Quel budget a-t-il été prévu? Quelles difficultés ont-ils rencontré pendant la prospection?
R. Les salons sont extrêmement chers, et le CIVP a un budget limité. Nous devons donc choisir quels salons nous faisons et quels salons nous laissons de côté. Vinisud Asia 2013 est le seul salon chinois que nous ayons fait depuis que je suis au CIVP. Les années précédentes, nous avions principalement mis en place des actions de promotion chez les cavistes, formation sommeliers.
Q. Pour le salon Vinisud à Shanghai au début 2013, combien d’exposants provençaux du vin rosé ont participé?
R. A l’occasion du salon Vinisud Asia 2013, le CIVP avait uniquement un Espace de Dégustation Libre. C’est un stand tenu par le CIVP, sans producteur, sur lequel des vins sont exposés et peuvent être dégustés librement. Un représentant de notre organisme était sur place pour répondre aux éventuelles questions.
En parallèle, des producteurs provençaux se sont inscrits, directement auprès de l’organisateur du salon (Adhésion Group) qui les a placés à côté de notre stand. En quelques chiffres : 38 vins, 20 entreprises différentes présentées sur notre Espace Dégustation Libre + 10 entreprises adhérentes au CIVP sur des stands individuels.
Q. Y a-t-il eu une suite à ces rendez-vous professionnels pendant le salon Vinisud?
R. Sur l’Espace Dégustation, le représentant du CIVP a reçu des journalistes et des professionnels pour leur orienter dans la dégustation et leur donner des informations générales sur la Provence et ses vins. Toutes les discussions commerciales ont lieu avec les entreprises, hors présence du CIVP.
Nous distribuons sur notre stand un « carnet de dégustation », qui reprend toutes les infos nécessaires sur les vins présentés sur notre espace (prix indicatif, les coordonnées du producteur, les caractéristiques du vin...). Si l’acheteur/importateur veut faire affaire avec un producteur, il le contacte directement.
Q. Pour quelles raisons les rendez-vous n'ont pas marché? Qualité du produit, prix ou marque insuffisamment connue? Quel effet du salon Vinisud à Shanghai pour le vin rosé sur le marché chinois? Y-a-il une évolution?
R. La Provence rencontre plusieurs obstacles sur le marché chinois
- La production de la Provence est majoritairement rosé (89% de la production), et les chinois consomment essentiellement du rouge, mais les choses commencent à changer (voir tableau ci-dessous concernant les consommateurs réguliers). Le french paradox a longtemps appuyé la consommation de rouge au détriment des autres couleurs.
- La consommation chinoise est à 90% locale. Même si les vins français occupent une belle place parmi les vins importés (40% de part de marché), les chinois consomme avant tout… des vins chinois.
- Les procédures douanières sont extrêmement compliquées pour les exportateurs français, comparées à l’Allemagne, la Belgique, … Ce sont donc essentiellement les entreprises qui ont l’habitude d’exporter qui se lancent sur ce marché.
Il y a aussi des points positifs
- La Provence bénéficie d’une très belle image (romantique notamment). C’est une destination qui fait rêver.
- La couleur rose plait beaucoup aux femmes. Les femmes affichent de plus en plus leur intérêt pour le vin, et sont naturellement attirées par le vin rosé.
- Le goût des consommateurs pour les produits français de luxe explique la réussite des vins français en Chine. Mais les chinois sont aussi friands des produits « made in Provence » et de l’image de la région Provence qui est très évocatrice d’art de vivre pour le consommateur.
Il faut expliquer aux consommateurs les qualités du vin rosé et faire tomber les a priori. Cela demande un gros travail d’éducation des consommateurs mais aussi des professionnels qui ne connaissent pas suffisamment bien le produit.
Il est difficile de mesurer une quelconque évolution sur les volumes de vente ou la perception des vins. Nous n’avons pas encore les chiffres complets de l’année 2013 et même si ces chiffres présentent une progression, il est impossible de savoir si elle est liée au salon.
Q. Que pensez-vous de l’attitude des consommateurs chinois pour le vin rosé au salon?
R. Les visiteurs arrivaient généralement avec des a priori. Mais, une fois les vins dégustés, ils étaient toujours surpris par la qualité de l’offre Provence. C’est à travers ce genre de salon que l’on peut leur démontrer que le rosé est un « vrai » vin, comme le rouge et le blanc. Ils se rendent compte qu’ils avaient une fausse image du vin rosé de Provence, et que ce vin est très adapté à la gastronomie locale.
Q. Quelle tendance pour l’exportation du rosé dans les prochaines années d’après vous?
R. Comme les chiffres le montrent, les exportations de vin rosé augmentent de manière régulière et continue. C’est de très bon augure pour la suite.
Q. Au niveau administratif, quelles complexité et contraintes les vignerons provençaux ont-ils eu?
R. La barrière douanière est difficile à passer, et les informations pour y parvenir sont difficiles à trouver.
La langue est également un obstacle quand il s’agit de procédure légale. Tout n’est pas traduit en anglais.
Les douanes chinoises demandent également beaucoup de documents (légaux, sanitaires, preuve de l’origine…)
Il y a des contraintes spécifiques comme l’étiquetage en chinois. Sur d’autres destinations, l’étiquette anglaise suffit.
Q. Au niveau marketing, quel genre d’outils ont-ils utilisé?
R. Le CIVP met à disposition différents outils de communication pour aider les vignerons à parler de leur produit (dépliants, affiches, goodies…). Les vignerons développent plus rarement des outils, mais de plus en plus décident d’employer des chinois (stage ou contrat) pour les aider dans leur développement commercial (création de plaquette en chinois, traduction de site Internet, échange commercial par mail en chinois…)